Il y a de ces soirs où trouver le sommeil est impossible. Où l'on a l'impression que notre cerveau ne s'arrêtera jamais de tourner, où les pensées s'entremêlent sans toutefois jamais former d'idées cohérentes, où tout s'entrechoque. Dans ces moments, je m'effraie à penser à plus tard, à cette vieillesse certaine qui nous pend au nez, à la douleur de maladies potentielles, à la douleur de mon dernier jour.
Et le lendemain, je me surprends à haïr le monde qui m'entoure, des PDG de firmes internationales qui pillent les Terres et ses habitants pour s'enrichir aux racistes, LBGTQIAphobes et autres misogynes. Je me demande ce qui ne tourne pas rond.
Il y a de ces jours où je me dis, si l'on m'avait demandé mon avis, je ne sais pas si j'aurais voulu passer cette vie ici, si j'aurais accepté de naître. Si l'on savait ce qui nous attend à la naissance, combien serions-nous à refuser de vivre ? Après tout, c'est vrai, personne ne nous a demandé notre accord pour une vie certes palpitante et unique, mais truffée de malheurs et entourée d'un monde chaque jour plus incertain. Les angoisses sont tellement présentes et le mal-être humain semble être devenu une caractéristique de nos vies contemporaines, qu'il semble presque impossible d'y échapper. L'être humain est perverti par le capitalisme et notre société est tellement avancée qu'il semble compliqué, voire impossible, d'imaginer un changement de direction.
Et pourtant, je suis de ces personnes que l'on appelle les optimistes. Je suis une femme qui sourit tout le temps, qui prend la plupart des choses à la légère, qui considère que la vie est simple et que nous nous la compliquons beaucoup trop. Et pourtant, ces pensées m'envahissent régulièrement et m'emplissent d'angoisse sans que je puisse les refréner.
Comment donner la vie lorsqu'on a conscience de cela ?
Je ne peux m'y résoudre. On dit souvent de moi que je suis égoïste parce que je ne veux pas d'enfant et c'est la remarque que je comprends le moins. Je pense tellement au monde de demain, je suis tellement impliquée dans la lutte contre les inégalités (à ma petite échelle certes) que je vois les problématiques actuelles, celles qui durent depuis des siècles et qu'on arrive pas à régler.
J'ai été victime à plusieurs reprises de la méchanceté humaine, et en tant qu'activiste féministe, je suis confrontée de manière quotidienne à l'intolérance et la violence. A quel moment le fait de refuser de faire naître un enfant est-il un comportement égoïste, alors que le désir d'enfant, qui est souvent décrite comme étant une pulsion viscérale par les parents, est un choix que l'on fait pour soi, sans aucune forme d'altruisme ? On fait un enfant par envie, sans vraiment se l'expliquer, ou alors pour transmettre, pour que notre nom de famille se perpétue, pour sceller un couple, par preuve d'amour. Et on ne fait pas d'enfant par envie, par souci écologique, par souci féministe, par manque de finances, parce qu'on a peur. Qui y a-t-il d'égoïste à comprendre que l'on est pas capable de s'occuper d'un enfant, à savoir qu'on en ressent pas le besoin, ou encore à avoir peur pour son avenir à cause d'une humanité qui part à la dérive ?
Non, je ne veux pas d'enfant dans un monde pourri, et pourtant, mon optimisme me pousse chaque jour à me battre pour le rendre un peu meilleur.
Je m'appelle Bettina, j'ai 28 ans, et je me définis comme étant une femme écoféministe et childfree. J'ai découvert ce dernier mot il y a deux ans, alors que je me mariais et que les phrases du type "alors, c'est pour quand le bébé?" ont commencé à se multiplier à mon égard. J'ai découvert qu'être mère était encore la condition sine qua non de l'épanouissement dans la vie d'une femme. Dans cette rubrique, je vous partage donc mes réflexions à ce sujet !
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Site : Bettina Zourli