Vous avez déjà lu ce genre de titre, ce type d'exercice écrit n'est-ce pas ? Il me parle à moi aussi, mais pas nécessairement de la manière dont vous l'imaginez. Oui, on part du principe qu’une personne femme ou perçue comme femme aura forcément, à un moment de sa vie, envie d’un enfant. Même si elle réfrène cette envie pour des raisons personnelles ou politiques, la maternité semble encore être indissociable du genre féminin. En ce qui me concerne, non, je n’ai jamais ne serait-ce qu’envisagé d’être mère.
Cher enfant que je n'aurai pas,
je ne t'ai jamais imaginé. Ok. Il se peut que je me sois déjà demandée, une fois : si j’ai un enfant, aura-t-il mes cheveux ? Mes cheveux, c’est ce que j’aime le plus chez moi !
Pourtant, cette pensée ne m’a jamais spécialement attendrie. Lorsque je pensais, plus jeune, à mes objectifs de vie, à la vie idéale que j’aimerais mener, il n’y avait jamais d’enfant en vue.
Bien sûr, beaucoup ont essayé de me mettre cette idée en tête : la tante lorsque je portais pour la première fois mon cousin de quelques mois; le pilier de comptoir qui te garantit que ta vie de femme ne pourra être réussie qu’avec l’arrivée d’un enfant. Pourtant, et malgré cette pression latente, il ne m’est jamais arrivé d’avoir envie de, d’avoir imaginé, ou de douter de mon envie d’avoir un enfant.
Souvent, dans ce genre de lettre, on explique à cet être qui ne naîtra pas pourquoi on se refuse à le mettre au monde. Aujourd’hui, j’en ai marre de me justifier. Je le fais de bon cœur lorsque j’interviens dans des magazines féminins, lorsqu’un.e journaliste me pose la question, parce que je sais qu’il est encore nécessaire d’argumenter ce choix perçu comme pas vraiment légitime ni même normal. Mais en-dehors de ça, il est hors de question que je continue à vous dire que la planète va mal et que c’est pour ça que je ne veux pas d’enfant, hors de question de marteler que la maternité exacerbe les inégalités de genre et que c’est la raison pour laquelle je suis childfree.
Je ne peux même pas écrire une lettre à l’enfant que je n’aurai pas, parce qu’il m’est tout simplement impossible de me figurer un être qui serait issu de ma chair ou dont j’aurais l’entière responsabilité. La maternité, son désir et ses aboutissements me sont totalement étrangers (et c’est très bien comme ça). A l’aube de mes 30 ans, il n’y a pas une once d’envie maternelle chez moi, et ce malgré un foyer heureux, et une vie épanouie.
Enfin, plutôt, à cause de ce foyer heureux et de cette vie épanouie. Ma vie est si prenante et tellement alignée avec mes aspirations profondes qu’il est inenvisageable d’ajouter un nouvel élément à cette équation. Bien sûr, je ne connaîtrai jamais la joie de voir grandir un être que je chéris, comme d’autres ne connaîtront jamais l’immense liberté que procure le fait de n’avoir que soi-même pour seule responsabilité (et je parle bien de mon cas personnel, être sans enfant ne veut pas dire être sans encombres).
Cher enfant que je n’aurai pas, je ne sais pas quoi te dire car je n’ai pas envie que la société persiste à imaginer qu’une femme pense forcément à la parentalité, au moins une fois dans sa vie. Non, ça ne m’est jamais arrivé d’être tentée. Je ne veux pas non plus que l’on continue de traiter le sujet de la non parentalité par le fait qu’il nous manquerait quelques choses, nous nullipares assumées, que l’on aurait du faire le deuil d’une vie sans enfant que l’on compenserait forcément par autre chose : une carrière au top, un amour passionnel, une foi sans faille, ou que sais-je.
Le genre féminin peut s’épanouir complètement dans la parentalité, comme il peut l’intégrer à ses envies sans le sacraliser, ou encore mener une vie ou elle n’en fera aucunement partie. Je n’écrirai jamais de lettre à l’enfant que je n’aurai pas, puisque je ne l’aurai pas et qu’il ne sera jamais un manque.
Je m'appelle Bettina, j'ai 28 ans, et je me définis comme étant une femme écoféministe et childfree. J'ai découvert ce dernier mot il y a deux ans, alors que je me mariais et que les phrases du type "alors, c'est pour quand le bébé?" ont commencé à se multiplier à mon égard. J'ai découvert qu'être mère était encore la condition sine qua non de l'épanouissement dans la vie d'une femme. Dans cette rubrique, je vous partage donc mes réflexions à ce sujet !
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Site : Bettina Zourli